Par Ignace Plissart
Laissez-vous mener par l’Esprit-Saint !
ICo 12,3…13; Act 2,1-36; Jn 20,19-23
Shavouoth (ou la Pentecôte) est, avec Pesha (ou la fête Pâque) et avec Souccoth (ou la fête des Tentes), une des trois grandes fêtes du judaïsme. Comme pour ses deux sœurs jumelles, son origine remonte au séjour des Hébreux au désert, il y a trois mille ans d’ici. Littéralement Shavouoth, veut dire ‘fête des semaines’, des « sept semaines » qui la sépare de Pesha [(7×7) +1].
Pour nos frères Israélites, Shavouoth évoque quatre événements de leur histoire :
- – l’arrivée des Hébreux au pied du Sinaï cinquante jours (49 + 1) après la traversée de la mer des roseaux. D’où l’appellation actuelle ‘Pentecôte’ qui dérive de l’expression grecque ‘η πεντηκοστη ημερα’, ce qui veut dire ‘le cinquantième jour’ (après Pesha).
- la transformation d’une foule d’immigrés en un peuple.
- la remise à ce peuple des deux tables de la Loi ou Décalogue
- le don de l’Esprit Saint aux (seuls) anciens de ce peuple
Pour nous chrétiens, cette fête évoque :
- l’inscription de l’accomplissement des deux Tables de la Loi mosaïque au plus intime de nos cœurs (Le
- sermon sur la Montagne (Mt 5, 6 et 7)
- le don de l’Esprit Saint qui nous donne la capacité de pratiquer la Loi mosaïque dans son accomplissement
- Le renouvellement (rajeunissement) du peuple de Dieu en l’Église.
Plus qu’une évocation du passé, chaque fête de Pentecôte célébrée dans la foi est une grâce, pour chacun d’entre nous et pour l’Église dans son ensemble.
Elle est d’abord une grâce pour chacun d’entre nous :
Alors que nous sommes faits pour communier à Dieu et aux autres, l’esprit du monde nous pousse à l’exaltation de notre ego, à la violence, à la haine de l’adversaire, à la compétition sans merci (Ôte-toi de là, que je m’y mette !), à l’ignorance de Dieu et à la méfiance à son égard. Or l’Esprit Saint peut nous aider à échapper à ses pièges !
Comment ? En lui faisant confiance !
«Laissez-vous mener par l’Esprit et vous ne risquerez pas de satisfaire à la convoitise
charnelle. Car l’œuvre de l’Esprit en vous est charité, joie, paix, patience, serviabilité, bonté, confiance, douceur et maîtrise de soi. » Gal 5,16-24
L’Esprit Saint peut aussi nous réintroduire dans la vraie liberté qui est capacité à faire le bien :
« Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur malice, mais en serviteur de Dieu. » I Pi 2,16
Il peut aussi gratuitement effacer de notre cœur toute trace de peur, de culpabilité, et nous introduire dans une confiance radicale au Seigneur.
« L’Esprit que vous avez reçu, ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur. C’est un Esprit qui fait de vous des fils » Rom 8,15
L’Esprit saint est le seul à pouvoir nous donner de comprendre le message évangélique :
« Le défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » Jn 14,27
Mais la Pentecôte est aussi la fête de l’Église, du peuple de Dieu renouvelé.
Tous les groupes humains, sans exception, des plus petits aux plus grands, depuis les couples jusqu’aux nations, souffrent d’intolérance, de division, de la violence. Et l’Église n’échappe pas à ces pathologies. Elle aussi a un besoin urgent d’être purifiée par le feu de l’Esprit. Je n’en doute pas : En ce temps de Pentecôte, l’Esprit Saint va renouveler l’Église, notre mère et la guérir.
Il va redonner à l’épouse du Christ, plus d’ouverture, plus de catholicité, plus d’unité, plus de diversité, plus de tendresse pour les « petits ».
L’Esprit Saint va nous faire comprendre que l’Église a un avenir devant elle, que la vraie Tradition n’est pas répétition pure et simple du passé, mais création toujours nouvelle en fidélité au « dépôt de la foi » (L’enseignement des Douze : les écrits du N.T. et parmi ceux-ci,
plus particulièrement les évangiles).
Il va nous faire comprendre que la Tradition n’est pas comparable à une boule de neige qui s’enfle sous la poussée d’enfants amusés et qui finit par s’immobiliser du fait de son trop grand poids. Non, elle est comme le chant de la source, qui selon les saisons adapte son rythme, son volume, sa mélodie.
Et je termine notre propos en vous lisant et en vous commentant le bref message que Roger Schutz, le fondateur de la communauté œcuménique de Taizé, adressait aux jeunes chrétiens, il y a de ça presque cinquante ans (Pâques 1972 ?)
Le Christ ressuscité (et son Esprit) vient animer une fête au plus intime de l’homme… Il nous prépare un printemps de l’Église, d’une Église
dépourvue de moyens de puissance, lieu de communion visible pour toute l’humanité, prête à un partage avec tous… Il va nous donner assez d’imagination et de courage pour ouvrir une voie de réconciliation. Il va nous préparer à donner notre vie pour que l’homme ne soit plus victime de l’homme.
Depuis cette proclamation, beaucoup de choses ont changé dans l’Église, et en bien. Il est important et juste de le constater. Manifestement, nos communautés ont gagné en simplicité, en humilité, en fraternité. La participation des laïcs s’y est intensifiée. La foi est devenue plus personnelle. Le prêtres est descendu de son piedestal. Le langage de Pierre est devenu moins rigide, plus vrai, plus accessible. Pensez à l’encyclique « Laudato si » du pape François ! Aujourd’hui dans la persécution,
les chrétiens s’inquiètent moins de se défendre que de témoigner.
Cela dit, ce serait illusion que de penser que l’Esprit Saint a achevé son travail d’aggiornamento. Nous sommes comme au milieu d’un gué ; nous laissons dernière nous une rive où nos pères avaient développé pendant des siècles une culture chrétienne bien particulière, pas toujours évangélique, et nous nous dirigeons vers une autre rive, vers une autre culture chrétienne qui devra intégrer les acquis en exégèse, en anthropologie, en bioéthique, en psychanalyse, en philosophie, en astronomie, en physique, etc.; cette nouvelle culture devra intégrer le fait que les terriens ne forment plus qu’un seul village, qu’ils sont les gardiens de la nature; elle devra assimiler les valeurs démocratiques, reconnaître les ministères nouveaux qui émergent aujourd’hui, oser jeter les filets en eaux
profondes, oser libérer la parole, oser le dialogue entre nous, et aussi avec nos frères séparés, avec les Musulmans et les adeptes des autres religions ; elle devra renoncer à cette attitude de repli ou d’assiégés encore trop présente ; elle devra renouveller sa confiance en l’homme, etc.
Que deviendra l’Église de demain ! Je ne puis vous le dire, mais ce que je sais, c’est qu’arrivée sur l’autre rive, elle sera redevenue une lumière pour le monde