Lors de l’inauguration de l’exposition, l’artiste Jacques Bihin, créateur de l’exposition des photographies, a présenté ainsi sa démarche et exprimé comment il espère inspirer les visiteurs à l’exposition:
Discours pour l’inauguration de l’exposition : “L’urgence et la beauté”
à Anderlecht le 11 octobre 2019.
Le titre de l’exposition, l’urgence et la beauté, est extrait d’une lettre écrite par le pape François qui s’intitule Laudato Si’, qui se traduit par l’acclamation « Loué sois-tu ». Une lettre dans laquelle il nous propose de reconnaître l’urgence et la beauté du défi qui se présente à nous. C’est évidemment du défi de la conversion écologique dont il est question, car la dégradation de notre environnement devient de plus en plus préoccupante. Je ne compte plus ces dernières semaines les articles, les manifestes plus alarmistes les uns que les autres qui sont publiés sur la gravité de la situation. Je vous invite à jeter un coup d’oeil sur le mur d’actualité qui en témoigne. Que ce soit par la crise financière, par l’épuisement des énergies fossiles, par le réchauffement climatique ou tout simplement par le poison de la pollution, il est aujourd’hui établi que nous allons devoir affronter le choc d’une crise écologique majeure, une crise de grande ampleur. Nous devons -dit notre pape – nous devons sortir d’urgence de la spirale d’autodestruction dans laquelle nous nous enfonçons. Et le défi est immense, il nous renvoie chacun et chacune d’entre nous à nos propres contradictions. Car nous sommes piégés, à la fois bénéficiaire d’un mode de vie privilégié, et en même temps victimes d’une société qui nous impose structurellement un mode de vie polluant et destructeur. Un modèle fondé sur une grande tricherie : notre mode de vie actuel en occident est invivable à l’échelle de la planète. Nos richesses et nos libertés se font – pour une part – aux dépens du reste de l’humanité, et sûrement aux dépens des générations futures. Si nous ne changeons pas dès maintenant notre mode de vie, nous envoyons nos enfants au purgatoire, et nous condamnons nos petits-enfants à l’enfer.
Nous allons donc devoir changer, de gré ou de force radicalement notre mode de vie, et au plus tôt nous le ferons, au mieux nous limiterons les graves conséquences qui nous sont d’ores et déjà annoncées.
L’urgence donc, mais aussi la beauté. Car ce défi peut devenir une opportunité pour réenvisager l’organisation de notre société sur de nouvelles bases. Une belle opportunité aussi pour l’Église catholique de reprendre l’initiative en s’appliquant à mettre en oeuvre résolument cette conversion écologique, et de réinspirer une spiritualité qui petit à petit s’est laissée compromettre par le consumérisme ambiant.
À l’occasion de cette inauguration, permettez-moi donc de formuler trois voeux :
D’abord, celui de vous partager l’enthousiasme qui m’ habite en vous présentant ces photographies. L’intention graphique est de s’inscrire dans l’élan des premières photographies de la terre qui ont été prises dans les années 60 par les missions Apollo. Ces clichés vont révéler à l’humanité la beauté de notre planète et provoquer l’éveil d’une conscience nouvelle, celle d’être tous habitants d’une même planète, et d’être interdépendants d’un environnement limité et fragile. Les photographies de cette exposition par leurs compositions prolongent ces sentiments, et nous invitent à réfléchir sur le rapport que nous avons avec notre terre.
Mon deuxième voeu, c’est de vous faire découvrir cette lettre écrite par le pape François. Une initiative qui a été reçue dans l’Église catholique au mieux avec politesse, souvent avec embarras et parfois avec hostilité s’agissant des milieux plus conservateurs, en tout cas l’Église catholique n’a pas mis en oeuvre cet appel à la conversion écologique à la hauteur des enjeux présentés dans l’encyclique laudato si’.
Au fond cette lettre du pape souffre des mêmes symptômes que les évangiles. Ils ne déploient leur génie et leur force que quand on commence à les mettre en pratique, et on résiste à commencer à les mettre en pratique parce que nous sentons très bien qu’ils sont un appel à une conversion intérieure radicale.
Pourtant la détermination du pape François ne faiblit pas, l’année passée j’ai été reçu en audience privée avec un groupe d’artistes qui se nomme “la diaconie de la beauté”, et s’adressant directement à nous, le pape nous a explicitement demandé de mettre nos talents au service de la conversion écologique.
Cette lettre écrite par le pape est véritablement prophétique, écrite il y a bientôt 5 ans, elle révèle chaque année davantage sa pertinence. Car lorsque les contraintes écologiques se feront plus pressantes, nous aurons besoin de donner un sens aux efforts qui nous seront demandés. Laudato Si’ nous donne non seulement le sens de cette conversion, mais nous en révèle la beauté.
Enfin, je fais le voeu que cette exposition – à son échelle – puisse contribuer à ce changement de mentalité à la hauteur des enjeux qui se présentent à nous.
Parce que nous respirons le même air, nous mangeons le fruit de la même terre, la crise écologique nous oblige à nous rassembler. Ce changement de modèle de société ne se fera pas sans une conversion de notre mode de vie, qui nous obligera à accepter de nouvelles contraintes et des sacrifices. Dans ce contexte, nous avons besoin les uns des autres, nous avons besoin de nous stimuler, et de nous encourager.
Il n’est plus temps aujourd’hui de nous protéger derrière nos identités culturelles, philosophiques ou religieuses. Aujourd’hui, il est grand temps de nous mobiliser, pour construire ce nouveau modèle de société moins polluant et plus fraternel et donc de découvrir ensemble l’urgence et la beauté du défi qui se présente à nous.
Jacques Bihin, 2019.